DOUCEUR D’AUTOMNE

Les derniers rayons du jour incendient les vignes fraîchement scarifiées. Au loin, un tremble incandescent troue l’ombre franche des pins.

Dans les proches vallées, des nuages étirent leur gaze nonchalante. D’autres chapeautent le pic Néoulous * tels une enclume pesante et grise. Ils annoncent l’averse.

L’été a fait place à l’automne et ce n’est pas le calendrier qui l’indique. C’est un changement dans l’air du matin et la tiédeur du soir. Une indicible impression que la nature a basculé, et nous avec, emportés par l’immuable récurrence des saisons.

La brise est différente. En quoi, je ne saurais vous dire… C’est un ressenti sur la joue ou dans la chevelure, une caresse que l’été n’a pas su me donner. Je ferme les yeux… L’automne est là. Je le sens, je respire.

Mes pas s’impriment dans la glaise à peine ramollie par la pluie. J’épargne la trace fragile du chevreuil. Besoin de nature intacte. Je marche nez au vent, poumons emplis de cette odeur nouvelle : mélange de terre humide, pourriture noble du raisin oublié sur le cep, champignon échappé à la main du cueilleur, fougère froissée, parfum de miel du lierre en fleurs et d’herbe fraîche ressuscitée.

Lierre en fleurs

S’ajoute à ce concert olfactif, la fumée des premiers feux de cheminée qui s’échappe des toits, quand tombe déjà le jour.

La première flambée de la saison, l’allumette craquée sur le papier journal, le sarment et la bûche savamment agencés, nous ramènent à nos origines, nous lient à nos aïeux et à nos primitifs ancêtres. Ce feu nous apaise, nous rassure : l’hiver peut bien venir.

La croupe des chevaux se couvre d’une douce pelisse. Tout étonnés qu’ils sont par tant de précocité, pressentant la tempête, ils courent et se cabrent, lancent leurs fers au ciel qui s’abattra sur eux.

Passent les oies sauvages, vigoureuses traînes célestes qui déchirent les nues. Trois d’entre elles volent en marge. Quelques coups d’ailes et les voilà revenues dans le mystique ordonnancement de ce long chapelet flottant. Pensive, je les observe. Admirative aussi de cet instinct grégaire et voyageur qui les dirige depuis la nuit des temps vers des cieux plus cléments.
Leur passage aura égayé ma journée.
Que suis-je pour ces oiseaux ?
Vue d’en haut, un minuscule et insignifiant point brun cloué au sol, à attendre l’hiver.

L’automne en Roussillon est merveilleux à vivre. Je ne m’en lasse pas. Le pays retrouve une respiration qui sied à sa nature.

Fidèle à sa tradition, le Catalan aime partager les charmes de son pays. Ici, l’été est profusion : profusion lumière, de chaleur, de fruits et de bons vins, profusion de vacanciers mobiles, de clameurs, de fêtes et quelques fois d’excès.

L’automne vient vers nous, comme un soupir d’apaisement, une envie tempérante de vivre au rythme de la nature.

Laissons-le entrer.
Jour après jour, il nous mènera gentiment vers l’hiver.

*Pic Néoulous : sommet des Albères culminant à 1256 m d’altitude, marquant la frontière franco-espagnole. Il est appelé ainsi car aux premiers froids, la neige s’y installe. “Neulos” en catalan signifie “Neigeux”

One Comment

  1. Nicole

    Magnifique!!!

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