L’autre jour j’ai profité d’une visite guidée de Montesquieu-des-Albères organisée par l’Office du Tourisme dans le cadre de l’opération « Un jour, Un village ».
C’était pour moi l’occasion de voir de près et d’apprendre ce que j’aurais, en tant qu’autochtone, dû savoir depuis longtemps.
Du village, je connaissais les vieilles maisons catalanes avec leur perron perché au-dessus de l’entrée de l’écurie où les anciens mettaient leur bien le plus précieux : l’âne travailleur.
Je connaissais la placette où se tient chaque année le bal du 14 juillet. Le vieux café de la Marcé ( la vieille patronne s’appelait ainsi ) où je buvais limonades et grenadines, fermé depuis bien longtemps…
Les ruelles étroites dévalant à tombeau ouvert vers le cimetière. Les tonnelles rouillées croulant sous les bougainvillées. Le château chargé de lourds mystères et l’église au coeur du cimetière, protégée par son impressionnante porte ouvragée.
Ce jour-là , notre guide inspiré par l’histoire locale, remit comme l’on dit « l’église au milieu du village », même si physiquement ce n’est pas le cas puisqu’elle se trouve à un poste avancé au nord de la cité.
Les premiers peuplements se sont sans doute établis là, au pied de l’église, protégés par les effets de la Paix de Dieu. Après les conciles de Charroux en l’an 989 et de Narbonne en 1027 la guerre fut interdite plus de 80 jours par an ( douce époque ! ) ainsi que toute attaque ou pillage à moins de 30 pas d’un édifice religieux. (Le pas romain mesurait environ 1,47 m ! ). Ceci eut pour effet de resserrer les habitations en cercle autour de l’église. Ce village n’existe plus.
Celui que vous connaissez ou aurez un jour l’occasion de connaître s’est développé au pied du château. Toujours dans un souci de survie. En effet, face aux envahisseurs mécréants se moquant de la Paix de Dieu comme de leur première babouche, il s’agissait pour les habitants de se mettre sous la protection de leur seigneur et de sa garde.
Du château, il ne reste qu’une salle voutée et quelques murs, tant il fut détruit, d’abord sur ordre de Louis XI.
En effet, lors du traité de Bayonne, en 1472, le roi de France apporte soutien et renfort militaire au roi d’Espagne, embourbé dans des affaires successorales et au prise avec la révolte des catalans. En échange, il exige les pleins pouvoirs sur le Roussillon et la Cerdagne. Le château de Montesquieu, vigie veillant sur la plaine et les cols pyrénéens, devint alors inutile puisque les espagnols étaient désormais des alliés. Je garde une dent contre ce Louis XI, qui se méfiant des Catalans, nous a privé d’une magnifique bâtisse qui aurait pu être aujourd’hui un haut lieu de culture et de paix.
Le tertre du château servit de place d’armes lors des batailles opposant français et espagnols dès 1793. De ces batailles se déroulant dans la plaine sur les communes de Céret, Villelongue-dels-Monts et Montesquieu, l’histoire ne retint que celle du Boulou, notamment la seconde où il fallut I’arrivée du brillant général DUGOMMIER pour apporter la victoire aux Français le 1er mai 1794. Sur le pilier Ouest de l’Arc de Triomphe, vous pourrez admirer un bas relief représentant cet exploit comme pour nous faire oublier la succession de défaites infligées à nos troupes dans les villages environnants pendant plus de 400 jours de combats. Le petit musée de Montesquieu retrace très bien cela.
Après les guerres, quelques édiles mal inspirés achevèrent la « déconstruction » du château . Ils y firent aménager une ouverture dans la salle principale détruisant à jamais l’aspect initial. D’autres y installèrent la citerne d’eau communale enterrée au centre du bâti. Cependant, ces ruines médiévales restent un monument à visiter ne serait-ce que pour la vue sur la mer, le Canigou majestueux, le mont Bugarach, fugace repère des millénaristes, la plaine du Roussillon et au-delà, les falaises grises de Leucate….
Vous ne pouvez pas échapper à l’église Saint Saturnin consacré en 1123, elle est à l’entrée principale du village.
Sa porte est une des plus belles de Catalogne, semblable à celle de l’abbaye de Cuxa, joyau de l’art roman. Un enfeu (une tombe) extérieur nous rappelle notre destinée avec la mention suivante gravée dans la pierre : « HOMME QUI REGARDE, CE QUE TU ES JE LE FUS. CE QUE JE SUIS, TU LE SERAS. SOUVIENS TOI DE MOI ET DIS UN NOTRE PERE »
Après ça, je vous conseille d’aller boire un verre ou vous restaurer au petit bistrot abrité par l’ancienne poste. Cela vous donnera du courage et vous pourrez alors aller découvrir le réseau des rigoles de pierres et les nombreux réservoirs et bassins que les hommes ont construit au XIème pour desservir les jardins en terrasse qui dominent le village. L’homme est mortel mais il est ingénieux. Grâce à l’eau du San Cristau captée en amont, les villageois ont pu manger à leur faim.
D’ailleurs, le destin du village est lié à l’eau puisque son territoire recèle de nombreuses fontaines au nom évocateur . Vous pourrez en prenant le sentier qui monte dans les Albères les découvrir et goûter l’eau de chacune d’elles : les Tretze vents, la font rovellada (fontaine rouillée), la font des fangassos…font del carex… C’est un plaisir de partir randonner sans une goutte d’eau dans sa besace et sans risquer de mourir de soif. La nature nous offre sa fraîcheur comme un cadeau primitif. Des hommes du village, réunis en petit comité se sont faits maçons du dimanche pour aménager les lieux. Bancs, tables vous y attendent pour y poser votre sac, le temps d’un pique-nique.
J’espère que ces propos vous donneront l’envie de nous rendre visite.
Alors, sautez vite dans le train pour y arriver par Perpignan, centre du monde, bien sûr. Nous vous attendons.