RANDONNEE DANS LES ALBÈRES

L’autre matin, j’ai emmené Marion, Michael et leurs deux fils, nos vacanciers, dans le massif des Albères.

Étant donné les températures caniculaires des jours précédents, il était de bon ton de partir assez tôt mais pas trop,  car ce sont les vacances que diable. Sept heures du matin fut l’heure négociée. Équipés de casquettes et de bâtons de marche, nous voilà partis pour la “grande” ascension. Le départ se fait du Mas Santraille. Objectif : rejoindre le plateau des 13 vents, pour redescendre ensuite par le sentier scabreux du four à chaux qui mène au village de Montesquieu.

Nous démarrons plein ouest au milieu des vignes avec le Canigou pour témoin. Les Albères sont encore dans la brume. Comme nous, elles tardent à se réveiller.

Au bout de 300 m nous quittons le goudron pour prendre un chemin qui plonge le long d’un petit ruisseau déjà sec. Puis nous remontons la piste fouillée par endroits par les sangliers.

Nous notons au passage une stèle en l’honneur du pompier Codognès qui laissa sa vie pour défendre la montagne contre le grand incendie de 1984.

Chêne liège

Le massif est fragile et de mémoire d’homme (la mienne par exemple) j’ai vu plusieurs fois le feu l’embraser. De ma fenêtre à plus de 10 km de l’incendie, des flammes hautes comme une maison faisaient rougeoyer le ciel dans la nuit estivale. Mais revenons à nos randonneurs.

Après la stèle sur la droite, nous découvrons la ligne TGV France Espagne à l’endroit exact où les trains pénètrent dans la montagne. Holà que tàl Barcelona ? Une table d’orientation nous précise où nous sommes.

Mes compagnons sont des habitués de la randonnée. Ils marchent d’un bon pas. Il fait encore frais. C’est l’occasion de faire plus ample connaissance. Joe vit à Varsovie. Il m’en rapporte des nouvelles. Jack réside à Brighton et chante dans un groupe. Bien que n’étant pas de la même génération, nous partageons les mêmes goûts musicaux.

Parvenus à un  croisement, nous laissons sur la droite le chemin qui mène au mas d’En Pericot.

La montée s’annonce difficile même si nous sommes toujours sur la piste. Le pas se fait plus lent ; c’est l’occasion d’herboriser un peu : une fleur jaune attire notre attention. Marion la classe parmi les succulentes, ce qui ne veut pas dire qu’elle soit bonne à manger. Une sorte de plante grasse qui étire sa tige vers le soleil pour mieux en capter les bienfaits. Serait-ce l’orpin des montagnes ? Nous contrôlerons en rentrant, dans mes beaux livres de plantes.

Sur les bas-côtés, les lavandes Stoechas souffrent de la chaleur. Le thym a perdu ses délicates fleurs mauves. Il est comme pétrifié, espérant la prochaine averse pour assouplir ses rameaux.

Au bout de deux heures, apparaît le plateau où se trouve la fontaine des 13 vents. L’espace est bien aménagé : des barrières en rondins nous protègent de l’arrivée nonchalante des vaches. Un espace pique-nique nous promet le repos. Nous y posons nos sacs. De là, nous pouvons voir d’est en ouest, l’éclat argenté de la mer, la plaine d’où monte les clameurs étouffées du matin, le Canigou en deuil des neiges printanières.

Après s’être désaltérés, nous reprenons notre chemin. Celui-ci nous mène à la Fontaine Rovellade annoncée par la fraîcheur du cordon végétal qui ourle le lit du San Cristau.

Le San Cristau en automne

La fontaine nous offre un maigre filet d’eau qui peine à remplir un bac dans lequel oh my God ! séjournent des têtards. Mes compagnons s’en extasient et les prennent en photo.

Il faut dire que depuis le début de la randonnée, tous les êtres vivants y compris les plantes que nous rencontrons sont l’objet d’une attention jubilatoire de la part de mes britanniques randonneurs . Papillons, libellules, sauterelles, scarabées rhynocéros, fourmis croulant sous leur fardeau : tout est objet de merveille. Ils s’interpellent, s’interrogent sur l’identification de la chose. Pour donner encore plus de piquant, je ramène ma science – pas toujours exacte – et après vérification, leur apporte le mot en Français.

« Gratte-cul » les fait sourire. Il est vrai qu’ils se souviendront plus facilement de cette terminologie triviale que du nom savant : cynorhodon ou fruit de l’églantier.  La monarde ou monnaie du pape étale ostensiblement ses écus. En Anglais, on l’appelle Honesty, ou Money Tree. L’argent fait-il bon ménage avec l’honnêteté ?

Après avoir quitté la fontaine Rovellade (Rouillée), nous entamons la descente vers le village de Montesquieu. Le sentier est rocheux. Les bâtons de marche ne sont pas un luxe pour parvenir à la colline aux oiseaux (espace pédagogique) et à l’ancien four à chaux . Récemment restauré, il peut être visité en toute sécurité.

Par l’ancien sentier botanique, nous atteignons enfin le village. Il est 10 h 30.  Sur la façade d’une maison, une céramique nous indique les Treize vents qui balayent la Catalogne. Pendant notre balade, seule la marinade, au détour d’un chemin, nous a apporté son souffle de fraîcheur.

Nous passons par la rue des Porches, unanimement éblouis par la splendeur d’un volubilis bleu. L’église attire notre regard par la beauté de sa porte ouvragée. Puis nous longeons le San Cristau. Il n’est qu’un lit de rocailles mais be careful ! , il peut avoir ses fureurs à l’automne venu. La plupart de l’année, je sais qu’il coule sereinement sous la roche, à l’abri des regards. Aux premières pluies, il sourd, puis s’écoule, chante dans nos puits et quelques jours après, si le temps se fait sec, il se retire, un peu comme la marée, un escargot dans sa coquille.

Jack n’a plus besoin de tout son souffle. Il nous gratifie maintenant d’une chanson….en français s’il vous plait !

Nous voici arrivés ! Il est midi passé. Cinq heures de plaisir, de découverte et de partage, loin de la civilisation.

Vite un grand verre d’eau fraîche !

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