HISTOIRE DE SORCIERES

Cette semaine, difficile d’échapper aux bandes d’enfants ensorcelés qui hantent les rues et les cours d’école. Citrouilles, chaudrons, balais sont de sortie pour cette fête anglo-saxonne adoptée à grand renfort de publicité.

Cependant, je voudrais vous parler de NOS sorcières. Celles qui vivent et prospèrent dans les grottes et les bois du pays catalan.

Les gens d’ici aiment leurs sorcières, c’est pourquoi ils les fêtent comme à Tresserre, ou à Villefranche de Conflent.

Les « bruixes », comme elles se nomment en catalan, ont bonne réputation et en posséder une -ou du moins sa représentation sous forme d’une grande poupée- porte bonheur.

De plus, avoir de la chance, dans notre langue, se dit « tenir sort ». Nous sommes bien loin du sort maléfique tant redouté.

C’est vrai qu’elles ne sont pas bien belles avec leur nez crochu, leurs cheveux en bataille et leur bosse dans le dos. Mais elles savent trouver les charmes nécessaires pour se rendre désirables aux yeux des malheureux hommes qu’elles rencontrent.

Chaque village avait sa sorcière et Montesquieu aussi. Connaissez-vous le dicton «  A Montesquiu, las bruixes hi fan el niu » ? . (A Montesquieu, les sorcières font leur nid). C’est dire si ce village à flanc de montagne est un repère de femmes « encantades » (enchantées) de tout poil (au menton).

En étudiant la toponymie locale, on trouve le « serrat de las bruixes » (la colline aux sorcières). Après la mairie, vous découvrirez le panneau indicateur avec l’appellation francisée « Serrat de las brouches » . Oui, j’ai oublié de vous préciser le « x » devant un “i” en catalan se prononce « cheu ».

Un historien du coin, très cartésien, m’a expliqué que ces brouches-là seraient simplement les femmes qui autrefois, fabriquaient le charbon de bois dans la montagne. Habillées de noir, le visage couvert de suie, elles vivaient dans des cabanes, sur leur lieu de travail. Ni douche, ni savon pour ces courageuses. Le noir, couleur de la misère, leur collait à la peau.

Pourtant, j’aime à croire que lorsque l’apothicaire de la ville n’était pas parvenu à vous guérir, restait au village une femme assez savante, connaissant les vertus des plantes pour vous remettre sur pied. Il se peut aussi qu’elle n’y parvienne pas et, par ses philtres, vous fasse passer de vie à trépas. Cela suffit à donner mauvaise réputation !

Bonne ou mauvaise, la sorcière était une personnalité redoutée. Vous remarquerez sur les façades de certaines maisons, sous le faîtage, 3 éléments saillants en forme de cornes.
C’est « un espanta bruixes ». Cet apport architectural est là pour empêcher les sorcières de rentrer dans le foyer et prendre possession de votre domicile.

Un repousse sorcières

Bon ! … Il est vrai que si vous en avez déjà une, – la poupée porte-bonheur – nul besoin de cumuler les sorcières sous votre toit, au risque de voir s’engager des batailles et des sortilèges dignes du dernier Harry Potter.

Alors qui étaient ces sorcières ?

En lisant les récits des chasses aux sorcières qui ont été commises au fil des siècles, je me demande si elles n’étaient pas tout simplement des femmes libres, en avance sur leur temps, décomplexées et affranchies du poids des traditions et de l’obscurantisme de l’époque.

Pour rester dans l’ambiance, je vous recommande chaleureusement de regarder la série Anglaise « Outlander » et de réécouter le très mythique Screamin’ Jay Hawkins dans sa première version de « I put a spell on you ».

3 Comments

  1. wassmer martine

    Ici en Seine et Marne et sans doute au-delà, la fête des sorcières n’a pas le charme des histoires et légendes catalanes.
    La fête d’Halloween est plutôt associée à une démarche commerciale et si cette période enthousiasme encore les enfants – ce que je peux comprendre – je la trouve pour ma part un peu décevante. Les enfants sonnent aux portes, tendent leur sacs destinés à la collecte des bonbons, ne chantent plus alors qu’ils chantaient il y a encore quelques années, oublient de dire merci et au revoir.
    Aussi, Anne-Marie, j’ai aimé lire les différents profils des bruixes celles qui produisaient le charbon de bois, celui des guérisseuses et enfin plus contemporaines les femmes émancipées que nous sommes ou essayons d’être.

  2. Joëlle Doué

    Joli Anne Marie !

  3. Lydie des Aspres

    Bonsoir Anne-Marie,
    Comme toujours, tes articles ne manquent pas d’intérêt.
    Et si pour beaucoup de nos petites têtes blondes (d’ailleurs à ce propos, pourquoi blondes ? Ici elles sont plutôt brunes…) les sorcières sont des personnages de contes, il n’en reste pas moins que les chasses aux sorcières, elles, ont bien existé au détriment de ces femmes un peu trop en avance sur leur temps de par leurs connaissances, leur façon de vivre, leurs idées…. Tout simplement de par leur différence, ce qu’on ne comprend pas et qui dérange…
    Belle soirée et merci pour ton regard sur la sorcière catalane.
    Lydie

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